Le reflet que je ne connais pas Lundi, 22h17. La chaleur à ma tempe droite n’a pas reflué après ma fulgurante séance de travail. Elle s'est transformée en une migraine lancinante, une vrille douloureuse qui pulse au rythme de mon cœur. Un clou qu’on enfonce. La fatigue, sans doute. J’ai avalé quinze rapports en quelques secondes, mon esprit doit juste être en surchauffe. Je me lève du canapé où Pixel dort, indifférent à ma tempête intérieure, et je me dirige en chaussettes vers la salle de bain pour trouver de l’aspirine. La lumière crue des néons au-dessus du miroir est une agression. Je lève les yeux, machinalement, et mon propre regard m’arrête. Mon souffle se coince dans ma gorge. Le monde bascule. Ce n’est pas moi. Pas tout à fait. Mon côté gauche est familier : mes longs cheveux bruns, ma peau constellée de taches de rousseur. Mais le côté droit… le côté droit est un cauchemar. Mon crâne est rasé. Net. Une peau nue d’où émerge une géométrie parfaite et inhumaine, des lignes de lumière cyan qui palpitent doucement, dessinant des circuits complexes sous l’épiderme. Un implant. Un artefact extraterrestre greffé sur mon crâne. La panique me submerge, glaciale. Mes genoux tremblent. C’est impossible. Je me serais vue, non ? Je lève une main tremblante, mes doigts effleurent mon crâne. Je sens le piquant des cheveux ras et la surface froide, lisse, de la technologie. C'est réel. La chose est là. Je ferme les yeux, très fort, priant pour que ce soit une hallucination, le fruit du surmenage. Quand je les rouvre, l’image est toujours là, terrifiante. Puis, comme un bug d’affichage, le reflet vacille. Les lignes cyan clignotent, s’estompent, et une illusion de mes cheveux longs semble se superposer à la zone rasée, floue, instable, avant de se solidifier. Mon apparence redevient normale. Mais j’ai vu. Le miroir m’a montré une autre version de moi-même, une étrangère que j’habite sans le savoir. La question n’est plus de savoir comment je fais ces choses étranges, mais qui, ou quoi, me les a faites. Synoptïa - carnet augmenté : page 3